Les Aventuriers




Le tribunal siégeait à l'avant du navire. Une grande bassine de punch avait été posée sur une table. Les pipes allumées, les débats commencèrent. Les prisonniers furent ammenés, l'acte d'accusation leur fut lu. La cause était claire et la preuve évidente. La sentence allait être rendue lorsqu'un des juges proposa de fumer une autre pipe, ce qui fut fait.

Les prisonniers plaidèrent de facon fort touchante mais la cour, pleine d'horreur pour le crime reconnu, allait cependant se montrer implacable quand un des juges, du nom d'Ashplant, se leva et, tirant sa pipe de sa bouche, demanda la parole :
- Par Dieu, dit-il, Glasby ne mourra pas ; que le diable m'emporte, s'il est condamné !
Et il se rassit, tirant sur sa pipe. A cette éloquence, les autres juges s'opposèrent en des termes équivalents. Mais Ashplant, homme de décision, reprit la parole en un discours pathétique :
- Que le tonnerre vous écrase tous, gentlemen. Je vaux bien n'importe lequel d'entre vous ; que je sois damné moi aussi si j'ai jamais montré le dos à qui que ce fut ou sera, nom de Dieu Glasby est un brave garcon malgré ce qu'il a fait et je l'aime. Que le diable m'emporte si je ne dis pas la vérité. J'espère qu'il vivra pour se repentir de sa mauvaise action ; mais, nom de Dieu, s'il meurt, je mourrais avec lui !
Et, sortant une paire de pistolet, il coucha en joue deux de ses distingués collègues qui, se rendant à la force de son argument, estimèrent à leur tour raisonnable que Glasby fut acquitté. Tous furent de leur avis et justice suivit son cours.


Daniel Defoe : "Les chemins de Fortune"



Naissance de la Flibuste

Les pirates, dont l'âge d'or se situe entre 1700 et 1725, ne sont pas légitimés par le Roy de France comme le sont les flibustiers. Ces hors-la-loi sont recherchés par tous les pays du monde et pendus s'ils sont pris. Les pirates rejettent la société dans sa globalité et recréent au sein de leur équipage une société un peu plus idéale. Ils ne cherchent pas tant l'or que la survie. Certains vouent une haine à l'humanité tout entière, tandis que d'autres cherchent à étendre au reste du monde leur vision libertaire et égalitaire. Quoi qu'il en soit, ils représentent des éléments dangereux pour les grands de ce monde, d'autant plus dangereux qu'ils répandent leurs idées subversives, si bien qu'ils doivent être éliminés. Les navires de guerre ne font cependant pas grand chose pour les arrêter, car ils affaiblissent autant le commerce des autres nations. Quand un pirate, comme Barbe-Noire, Vane, Rackham ou Roberts devient trop gênant, un gouverneur sous la pression de ses notables affrète un navire pour mettre fin à ses pillages. Enfin, les corsaires ne sont autres que des pirates qui louent leurs services à une grande puissance.



Les Corsaires

Curieusement, les activités des Corsaires peuvent être qualifiées de commerciales. En effet, ils naviguent comme les marchands sur des navires affrétés par des armateurs et tâchent de ramener de leurs campagnes des denrées utiles à leur pays. Ils ne vivent toutefois, même s'ils s'appellent Duguay Trouin ou Surcouf, que pour la gloire et le pillage. Le roi leur délivre une lettre de course, qui devient leur propriété personnelle et peut être transmise par testament. Un corsaire peut aussi courir les mers avec une commission, qui lui offre une opportinité de réaliser une mission qui peut aller de la pêche à la morue jusqu'au pillage de tout navire ennemi. Ces deux documents légitimitent les actions du corsaire et lui offrent un statut de prisonnier de guerre s'il est pris.
Les commissions et lettres de courses ne les autorisent à courir sus à l'ennemi qu'en temps de guerre. Lorsque la paix survient, les corsaires se retrouvent sans emploi. Habitués à une vie de pillage, sans attache à terre, ils deviennent pour la plupart pirates, comme Barbe Noire, jusqu'à ce qu'une grâce accompagnant la prochaine guerre les fasse rentrer à nouveau dans le droit chemin.



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